vendredi 25 janvier 2008

A propos des couvertures

Qu'est-ce qu'une couverture? Est-ce que les fonds dit "couverts" sont intéressants?

Définition d'une couverture

Il s'agit d'une protection de portefeuille. Imaginons que vous ayez un portefeuille investi sur l'indice CAC40 à 100%. Si le CAC40 gagne 1%, vous gagnez 1%. Inversement, si le CAC40 perd 1%, vous perdez 1%.

Maintenant, considérons une couverture de 50% de votre portefeuille sur le CAC40. Cela revient à dire que vous vendez du CAC40 pour 50% de votre portefeuille. Si le CAC40 baisse de -1%, vous perdez -1% sur votre exposition classique au CAC mais vous gagnez 50% soit 0.5% grâce à votre couverture. Le solde est donc un perte de 0.5%. En fait votre exposition au CAC40 est de 100%-50% = 50%. Vous ferez la moitié des performance du CAC40.

Sur cet exemple, cela ne sert bien sur à rien de se couvrir, autant être exposé au CAC40 qu'à 50% et d'utiliser une monétaire pour les 50% restant.

Non l'intérêt c'est quand dans votre portefeuille (ou celui de votre fond) vous n'avez pas le CAC40. Imaginons un panier de fond représenté par un indice SP (pour Super Portefeuille). SP contient des concurrents des sociétés du CAC40 qui jouissent d'une croissance plus forte. Tous les ans, ces sociétés ont un bénéfice supérieur aux sociétés du CAC40 qui leur font gagner 1% de performance boursière par an. Mathématiquement, dans un marché parfait, la performance boursière annuelle de SP peut s'écrire :

perf(SP) = perf(CAC) + 1%

Si le CAC40 fait 10%, notre portefeuille SP fait 11%.
Si le CAC40 fait -10%, notre portefeuille SP fait -9%

On peut dire que perf(SP) est une fonction linéaire de perf(CAC40). Si on généralise on peut écrire :

perf(SP) = beta * perf(CAC) + alpha

où le beta est un coefficient de multiplication des performance du CAC40 (à la hausse et à la baisse) et alpha est un coefficient de performance pure de SP. Plus le gérant sera bon et choisira les bonnes sociétés, plus alpha sera grand. Plus le gérant prendra des risques et des sociétés qui amplifient le mouvement du CAC40 plus beta sera grand.

Prenons le cas des fonds de performance absolu. La plupart cherchent à avoir un beta nul et un alpha grand. En bref, de délivrer tous les ans une performance positive et qui ne soit pas dépendante du CAC40. Pour cela, il faut un portefeuille SP qui soit avec un beta = 1 et un alpha positif par exemple 8%. De plus on prend une couverture à 100% du portefeuille sur le CAC40 qui est donc un portefeuille avec un alpha de 0 et un beta de -1. On a donc :

perf(SP) = 1 * perf(CAC) + 8%
perf(Couverture) = -1 * perf(CAC40)

On obtient donc comme performance annuelle :

perf(Fond) = perf(SP) + perf(Couverture) = 8 %

On est donc indépendant de l'évolution générale des actions.


Applications aux fonds

On distingue 2 catégories de fonds utilisant des couvertures :
  • les fonds actions couverts : avec une couverture variable
  • les fonds à performance absolu : avec une couverture toujours de l'ordre de 100%

Dans les fonds actions couverts on trouve :
  • Les fonds Richelieu dont le plus connu Richelieu Spécial
  • Carmignac Investissement Latitude
  • Carmignac Euro-Patrimoine
Et parmi les fonds à performance absolu :
  • Champlain Sérénité
  • Sycomore L/S Conservative
Hormis les fonds Carmignac (nous reviendrons dessus), tous ces fonds ont affiché de très bonnes performances jusqu'au milieu de l'an dernier. Ils avaient un beta plus faible que le CAC40 (quasi nul pour les fonds à performance absolu) et un alpha positif. Puis depuis la crise des subprime rien ne va plus. Sur 6 mois Champlain Sérénité a un beta proche de 1 et un alpha autour de 0. Quand à Richelieu Spécial il affiche un beta de 2 (2 fois les amplitudes du CAC40, ici à la baisse) et un alpha négatif. Normalement si l'on prend une couverture c'est pour faire baisser l'alpha !! Ce fond avait pourtant bien fonctionné lors du krach de 2000.

De toute évidence le système a une faille. Nous allons voir laquelle.


Le problème des couvertures

L'erreur que nous avons commise c'est de considérer que notre portefeuille SP était proche du CAC40 en terme de composition. Ce qui n'est pas vrai pour les fonds cités. Richelieu Spécial, par exemple, contient pas mal de sociétés de type value ayant des capitalisation variables. Le CAC40, quand à lui, n'a pas que des actions values et n'est composé que des plus grosses capitalisation.

Ce qui devait être une protection n'en est en fait pas une. On peut considérer qu'il s'agit plus d'une position d'arbitrage. On prend le pari que le portefeuille fera mieux que le CAC40. Cela a très bien fonctionné pour ces fonds. Mais en fait, si on considère un fond plus proche de l'indice CAC Mid et Small (plus faibles capitalisation que le CAC40) que du CAC 40 et couvert sur le CAC40 il n'était pas dur de gagner. Le graphe ci-dessous l'illustre (en noir l'indice CAC Small et Mid et en rouge le CAC40) :





En gros, un fond lancé entre 1999 et 2001 étant proche de l'indice CAC Small et Mid, couvert à 100% sur l'indice CAC40 aurait fait à fin 2004, 50% de performance. A fin 2005, il aurait eu 60% de performance. Si l'on soustrait les deux graphes (pour obtenir la performance du fond CAC40 - CAC Mid et Small), on constate bien que l'écart est très proche d'une fonction avec un beta quasi-nul et d'un alpha entre 0% et 10% selon les dates.

Facile n'est-ce pas?

Malheureusement depuis les subprimes, les actions qui sur-performent le CAC40 ne sont plus les mêmes et ces fonds se prennent donc un retour de bâton.

La solution

Nous avons donc vu que se couvrir sur le CAC40 quand notre portefeuille ne ressemble pas au CAC40 ne consiste pas tant à se faire une protection, mais plutôt à faire un pari, celui que notre portefeuille sera plus rentable que le CAC40.

Carmignac, par son expert en couverture Frédéric Leroux, a été le premier à changer de stratégie, cf le rapport du 2e trimestre 2007 :

Notre couverture par la vente des indices sur des grandes capitalisations européennes (DJ Eurostoxx 50 ou l’indice allemand DAX) s’est révélée pertinente ces dernières années car les très grandes valeurs ont sous-performé les autres segments du marché. Cependant, l’écart qui s’est créé entre les valorisations des grandes capitalisations et celles des valeurs moyennes nous porte à croire que ce positionnement sera moins créateur de valeur et nous a conduits à adapter la structure de nos couvertures. Le Fonds est désormais couvert sur les marchés britannique, suisse et suédois qui reflètent mieux la structure de notre portefeuille, ainsi que sur un panier d’indices de valeurs moyennes. Mise en oeuvre à la fin du trimestre, notre nouvelle stratégie de couverture s’avère efficace.

Depuis ses plus bas d'Août, ce fond est positif, en progression de 3.4% (au 22/01/08). La majorité des fonds actions Europe sont nettement négatifs sur cette période. Le beta est quand à lui très faible.

Je pense que tous les gérants vont se mettre à utiliser des couvertures plus proches de leur portefeuille. La gestion de ces dernières années était plus proche de la gestion long/short que d'une réelle couverture.


Utiliser un fond à couverture revient donc à faire confiance au gérant non plus seulement sur les actions, mais aussi sur sa gestion de la couverture. Une couverture conduit à réduire le risque action et augmente le risque gérant.

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